Vous aviez vu passer cet article ? ca va clairement dans le mauvais sens…
Les petites voitures urbaines ne se vendent pas si mal, mais elles pèsent sur les finances des constructeurs et sur leur moyenne d’émissions de CO2.
C’est en 2023, juste au moment où sera commercialisée la nouvelle Renault 5, que la Twingo tirera sa révérence. L’une ne remplacera pas l’autre, mais ce croisement entre deux petites voitures n’est pas neutre. Un modèle électrique à 20 000 euros entrera en scène, alors qu’un modèle thermique à 12 500 euros prendra congé. « C’est dommage, mais la Twingo actuelle ne sera pas remplacée », a admis, fin janvier, Luca de Meo, le nouveau directeur général du groupe Renault, lors d’une conversation avec des journalistes membres du jury de la Voiture de l’année. Cette annonce ne constitue pas vraiment une surprise, les constructeurs savent que, faute de rentabilité, la catégorie des petites voitures est condamnée.
En 2014, pour faire vivre la troisième génération de la Twingo, emblème de la petite voiture populaire, Renault s’était allié avec l’allemand Daimler pour la fabriquer en Slovénie, aux côtés de la gamme Smart conçue sur la même plate-forme, afin de réduire les coûts. La défection du groupe allemand, qui a placé sa marque sous la coupe du chinois Geely, a mis fin à la collaboration et sonné le glas de la Twingo, devenue impossible à rentabiliser.
Les temps sont durs pour les petites urbaines. L’accord conclu entre Toyota et PSA pour produire simultanément les Toyota Aygo, Peugeot 108 et Citroën C1 est désormais caduc. Depuis quelques semaines, le catalogue du tchèque Skoda ne propose plus la Citigo, clone de la Volkswagen Up !, elle aussi condamnée.
« Les petites voitures thermiques vont disparaître »
Les petites voitures urbaines ne se vendent pas si mal, mais elles pèsent sur les finances des constructeurs et – ce qui est à peu près la même chose – sur leur moyenne d’émissions de CO2. Une Twingo thermique émet de 110 g à 120 g de CO2 au kilomètre, alors qu’une Clio E-Tech à moteur hybride atteint 98 g à 100 g. Or le coût de l’hybridation est incompatible avec le tarif d’une Twingo.
Luca de Meo confirme que le verdict est sans appel : « Les petites voitures thermiques vont disparaître à cause des règles du jeu. » Les objectifs de l’Union européenne (95 g de CO2 au kilomètre en 2021 et une baisse des émissions de l’ordre de 50 % d’ici à 2030, alors qu’elle envisageait initialement un recul de 37,5 %) laissent entrevoir un avis de très gros temps sur cette catégorie. Le segment n’est structurellement plus rentable et, en outre, il doit aussi subir la concurrence des modèles de la gamme supérieure (Renault Clio, Citroën C3, Volkswagen Polo), à peine plus onéreux, plus confortables et mieux équipés, mais, eux aussi, confrontés à un problème de profitabilité.
Des véhicules moins polluants, mais moins accessibles
Reine des petites voitures, la Fiat 500 doit sa pérennité à ses tarifs salés et à sa clientèle nettement plus aisée que la moyenne. Pourtant, elle aussi va basculer dans le tout-électrique. Malgré le recours à une microhybridation, aucun renouvellement de ses versions thermiques n’est prévu. La nouvelle 500 électrique ne se négocie pas au-dessous de 18 000 euros, bonus déduit, et sa capacité de production maximale est de 80 000 unités par an, alors que quelque 200 000 unités de son homologue thermique sont vendues chaque année. Produire moins de voitures, mais que l’on vendra plus cher. Renault n’est pas le seul à avoir adopté ce mantra.
Derrière le discours rémanent des constructeurs sur la « montée en gamme » et l’indispensable électrification s’esquisse un glissement accéléré vers des véhicules moins polluants mais de moins en moins accessibles.
La question de la gentrification de l’automobile, objet sur le point de redevenir un produit de luxe, est posée. Une minorité fait vivre le marché du neuf, les autres sont contraints de se replier sur le marché de l’occasion, où grandit la part des modèles de plus de dix ans (53 % des transactions en 2020).
« La conséquence directe des politiques publiques »
« Le déclin de la catégorie des voitures accessibles ne résulte pas de stratégies d’entreprises. Elle apparaît comme la conséquence directe des politiques publiques », martèle Laurent Petizon, directeur général pour la France du cabinet de conseil AlixPartners. Réponse à la pression mise par les autorités nationales et européennes sur les constructeurs, afin qu’ils réduisent l’impact écologique de leurs véhicules, le mouvement vers l’électrification accentue l’exclusion d’une partie de la population du marché du neuf. « Ce décrochage risque de provoquer des réactions, voire des jacqueries, assure-t-il. D’autant que le montant du bonus écologique est appelé à se réduire dans les prochaines années, et que les véhicules ne satisfaisant plus aux normes sont progressivement interdits d’accès à certaines zones urbaines. »
Les constructeurs généralistes assurent être conscients de ces enjeux. Dacia va devoir renchérir sa gamme, contrainte d’adopter des motorisations hybrides, mais la filiale low cost de Renault lancera cet automne la Spring, un modèle électrique à petit prix, aux alentours de 11 000 euros, bonus déduit. Quant à la future R5, elle entend renouer avec les valeurs historiques du constructeur au losange. C’est-à-dire, assure Luca de Meo*, « démocratiser la voiture électrique »*. Vaste projet.