Bonjour à tous,
Dans mon topic de présentation, j’ai volontairement glissé un sujet qui ne fait pas, à ma connaissance, l’unanimité parmi les personnes engagées pour la planète. Il s’agit de l’agriculture biologique.
Ainsi @cpt-suppr-ab, qui a un avis contraire au mien, m’a proposé d’en faire un sujet de discussion, pour exposer les arguments qui peuvent être pertinents sur le sujet. Je partage aussi son souhait de conserver de l’objectivité, de la bienveillance et aussi d’utiliser si possible les faits et la méthode scientifique et non les opinions morales ou les biais/sophismes.
Je ne vais pas dans ce premier post faire un exposé complet de tous les arguments possibles. Je pense que nous pourrons rentrer dans les détails ensuite, en discussion, s’il y a lieu (n’hésitez pas à me demander des sources.) Je vais donc seulement donner quelques grands axes d’analyse.
Cependant si vous n’avez pas le temps/la motivation de lire, alors je vous recommande seulement la vidéo que je poste au bas de ce post.
C’est parti pour un tour d’horizon :
Origine et fondements
L’agriculture « biologique » est née en Europe dès les années 1930 sous l’influence de trois mouvements : biodynamique ou anthroposophique en Autriche et en Allemagne (R. Steiner puis A. Pfeiffer), organo-biologique en Suisse (H. Müller et H.P. Rusch) et organique en Grande-Bretagne (A. Howard). Ces mouvements reposaient sur des courants philosophiques et sociologiques refusant l’évolution productiviste de l’agriculture et prônant le retour à des modes de production du début du siècle dernier, plus respectueux de la nature et des équilibres écologiques. Source
Je laisse chacun faire ses recherches sur ces fondateurs plus ou moins occultes et ésotériques. Maintenant les labels ont évolué, certes.
Je retiens que cette agriculture est basée sur le sophisme de l’appel à la nature.
Définition
Je trouve la définition fournie par les « avocats quotidiens » du bio peu claire.
Si j’entends les mots « naturel » ou « chimique », je me fais toujours un plaisir d’en demander les définitions, pour finalement conclure que tout est naturel et tout est bio.
Une meilleure définition est : « imiter la nature et éviter les intrants de synthèse ». (Je n’aime pas trop la formulation, je suis preneur pour mieux.)
On a donc une frontière dressée entre ce qui est fait « par la nature » et ce qui est fait par l’homme. Je trouve cette frontière peu claire et peu cohérente. Notamment, l’homme appartient à la nature (la spécificité de l’homme est un biais théologique), et que la nature qui nous entoure est déjà modifiée/sélectionnée par l’homme (écosystème et espèces cultivées).
Morale ou science ?
Il y a une connotation morale dans la frontière sus-citée: la nature est bonne, et les produits de synthèse sont mauvais. (Appel à la nature)
Les contre-exemples ne manquant pas (substance naturelle et toxique ou produit de synthèse bénéfique), il va de soit que ce principe n’est pas absolu.
Cependant, cela semble être du bon sens, et malgré les contre-exemples cela peut être porteur de vérité. Qu’en est-il ?
Et bien, l’agriculture bio a des prétentions assez forte qui ne sont pas directement liées aux éléments évoqués plus haut, tel qu’un meilleur impact environnemental ou sur la santé.
Mon esprit critique demande une cohérence entre ces prétentions et les faits.
Est-ce meilleur ?
1-santé
Si l’on fait une étude sur une population et qu’on la divise selon le critère « consommez-vous du bio ? », puis que l’on étudie la santé des deux groupes. On observe que le groupe bio est en meilleure santé. Cela confirme la perception de la population (sondage d’opinion).
Mais en fait il y a un facteur de confusion, c’est que le groupe bio fait globalement plus attention à son alimentation (plus de fruits et légumes, moins de graisses trans, moins de viande rouge).
Si l’on étudie l’impact du bio de façon contrôlée, on n’observe pas d’impact sur la santé. Et de plus, les valeurs nutritives sont les mêmes (pas de différences statistiquement significatives).
=> le consensus scientifique va à l’encontre de l’opinion populaire.
2-goût
Si l’on compare (rigoureusement donc à l’aveugle) le goût d’un produit bio vs non-bio. On n’aura la plupart du temps pas de différence.
Si différence il y a, elle sera due à une différence de variété, ou (et c’est à retenir dans le cas du testeur de bonne foi pas à l’aveugle) une différence de maturité au moment de la cueillette. En effet, on a tendance à acheter son produit bio chez le maraîcher du coin et conventionnel au supermarché où les contraintes logistiques ne sont pas les mêmes. Et cette différence de maturité influe beaucoup sur le goût.
Impact environmental
Alors dans cette rubrique, il y a un peu de positif, car la gestion des sols en bio est plus durable et aussi la réduction des engrais de synthèse est une exploitation de ressource en moins (attention, c’est à mettre en balance avec le fait que les engrais utilisés en bio proviennent de l’élevage d’animaux. (Va-t-on en avoir en quantité suffisante ? Comment sont-ils nourris ? La cohérence n’est pas certaine.)
Surtout, il existe d’autre pratiques agricoles (j’y reviendrai) qui permettent de bien préserver les sols tout en ayant un bon rendement.
Car il est bien ici le problème principal, le rendement du bio est inférieur (30 à 70% inférieur au conventionnel). Ainsi, la surface agricole utilisée est plus grande. Et cela est très néfaste pour l’environnement (déforestation entre autres).
Les fameux pesticides
Le mot « pesticide » cristallise l’attention dans ce débat bio/conventionnel dans la sphère publique. Il s’agirait du mal absolu.
Pour mettre tout de suite les pieds dans le plat, l’agriculture biologique utilise des pesticides.
La seule nuance est « synthétique » versus « naturel ». Et cette frontière est arbitraire. Donc ce qui compte pour l’établir : ce sont les règles du label.
On l’a vu, c’est un sophisme de penser que naturel est sain/inoffensif. Les exemples sont multiples.
La bouillie bordelaise (sulfate de cuivre) fait parti des produits traditionnellement utilisés (sophisme de la tradition) est toxique pour l’homme et pour l’environnement aux doses utilisées.
La roténone, désormais interdite, augmente le risque de développer la maladie de Parkinson.
Le risque est en fait plus grave. Ces produits naturels ont été utilisés traditionnellement, ont fait des morts, puis ont été interdits. Et cela est défendu par des personnes adeptes du principe de précaution ne souhaitant pas l’introduction de pesticides de synthèse.
La question est qui teste les produits « naturels » ? La réponse est personne, et c’est normal : personne n’est payé pour les mettre sur le marché. Mais par contre pour les pesticides de synthèse, les normes de test de toxicité sont très strictes et imposées à la charge des entreprises de chimies. Ainsi, ceux se retrouvant sur le marché ont été testés vis-à-vis des risques, et les normes évoluent toujours de façon plus stricte.
Pour le glyphosate, ce serait un sujet entier pour le décalage entre l’avis des agences expertes et celui des médias/de la population (…) et de même pour les OGM.
Quid du citoyen qui fait son potager ?
Je suis citoyen, je cultive mon potager, je ne mets pas de pesticides, mes légumes sont super bons et super bios.
Alors oui, tes légumes sont bons. Mais est-ce la faute à l’absence de pesticide ? Il y a fort à parier que ce soit simplement le fait que tu les cueilles à maturité parfaite et que tu en sois fier.
Es-tu bio ? Alors non, désormais AB étant un label reconnu par la loi, on n’est bio qu’en validant un cahier des charges précis, ce qui n’est sans doute pas le cas, mais ce n’est pas un souci.
Dernier point, il s’agit là sans doute d’une agriculture de loisir non-productive. Donc faire pousser quelques dizaines de kilos de légumes avec quelques heures par semaine de travail (normalement payées avec un salaire de cadre), ce n’est pas très rentable et donc difficilement comparable aux enjeux de nourrir 7, 8 9 ou 10 milliards d’humains.
Cela dit, c’est un loisir tout à fait respectable, et comme dit, ils font plaisir à tout le monde les légumes du jardin.
Le lobby BIO
Un point très fortement sous-estimé est l’influence des lobbies BIO. Ils jouent sur les pouvoirs politiques, sur les ONG, sur la population, indirectement sur la recherche, etc.
Une des grandes critiques que je fais aux produits biologiques, c’est que leur taux de marge est énorme. J’appelle cela de l’arnaque étant donné que je n’en comprends pas les avantages. Ces entreprises font donc beaucoup d’argent et assoient leur position sans que cela ne soit signaler.
Le côté croquignolet est que quand on dit à « lobby » à quelqu’un, il pensera tout de suite à Monsanto ou Bayer, bref des chimistes. Or comme souvent, c’est lobby contre lobby, il n’y a pas de bien ou de mal en soi, surtout de l’argent.
(Que dire des lobbies homéopathiques ou des énergies renouvelables…)
Cela fonctionne bien, car désormais, le label bio apparaît dans certaines lois (ce qui me fait perdre mes cheveux), le parallèle avec le nucléaire est simple ici.
Outre le pouvoir, il y a aussi un enjeu à l’échelle individuelle. Je vais y aller fort avec les mots, il y a des dérives sectaires plus ou moins associées au bio (de façon plus flagrante avec la biodynamie). Pour tout dire, si j’en fait un combat, c’est entre autres, car mon père, et ma famille dans une moindre mesure ont penché dedans et n’en sont pas encore sorti
D’autres pratiques plus vertueuses
Il semble à première vue que l’agriculture bio soit basée sur le sophisme de l’appel à la nature. Cela ne présage en rien de ses qualités et de ses défauts.
Cependant, la démarche n’est pas celle de la science qui est d’analyser les coûts et les bénéfices de chaque produit et de chaque méthode.
D’autres approches de l’agriculture existent dans un but de durabilité (qui nous intéresse au shift) tenant compte plus largement des impacts et evidence-based. Je pense par exemple aux pratiques agroécologiques.
Voici pour la face agriculteur, mais qu’en est-il du comportement du citoyen ? Ici encore, il me semble que le bon réflexe écologique n’est pas de prendre l’étiquette verte, mais plutôt de modifier son régime (moins de viande (et élevée en zone non deforrestee), mais aussi certains fruits de mer ou même le chocolat).
Les atouts du bio
Voici ma liste des atouts de l’agriculture biologique :
- Des emballages de couleur verte, c’est joli quand même.
- Un des points clé de la démarche bio est la durabilité, ce qui est un objectif commun avec TSP, cependant la méthode pour y arriver ne me semble pas pertinente car elle relève de la philosophie et non d’une analyse cout-benefice.
- Le cahier des charges est assez restrictif et les agriculteurs sont volontaires pour le respecter. On devrait tendre vers cela, je pense, mais avec des contraintes mieux choisies. Par ailleurs, quelques co-produits de ce cahier des charges sont bénéfiques. Par exemple, les animaux d’élevage se nourrissent plus en plein que pour le conventionnel.
Une video synthétique, rigoureuse et tout public
Super vidéo, et il parle mieux que moi.
Qu’en pensez-vous ?
Je ne sais pas si ces quelques points ont changé l’avis de quiconque, mais je serais bien content de connaître le comportement des shifters sur ce sujet. Notamment, vous étiez conscients du caractère discutable de cette pratique.
Etes-vous 100% bio, bio quand c’est possible, indifférent. Si vous me trouvez bizarre d’être un lobbyiste anti-bio (mon avis n’est pas neutre, mais j’espère que les points plus haut étaient assez objectifs et sinon que je serai corrigé). Ou peut-être si vous soutenez un autre type d’agriculture/label (j’ai mentionné l’agro écologie par exemple.)