Je commence à partir du paragraphe suivant à poser quelques contrepoints. Pour ce qui est des paragraphes précédents, je suis d’accord sur le fait d’augmenter le rythme de rénovation énergétique même si en Allemagne cela n’a pas porté ses fruits (effet rebond !). Concernant les scénarii 100% renouvelables, on les connaît, ils misent sur une réduction de la consommation électrique de 20 à 25% (Scénario ADEME), ce qui annonce un sacré défi sachant qu’on compte décarboner les 60% d’énergie finale restants (comprendre, autre qu’électrique) en passant à l’électrique ou à l’hydrogène.
Pour cela, il faut une fois pour toute briser le dogme. Une petite musique a été instillée. Le nucléaire serait la technologie incontournable des « écologistes » réalistes et pragmatiques. Il serait la solution miracle. Mieux, le totem du progrès contre les amish et autres amis de la bougie et des cavernes. Il serait indispensable dans la lutte contre le changement climatique car il serait « dé-car-bo-né ». Il faut comprendre faiblement émetteur de C02. Il garantirait l’indépendance énergétique du pays et une énergie à bas prix pour les usagers.
Je me suis senti tout autant visé par le terme amish, que j’ai trouvé nul et déplacé, et pourtant je défends volontiers le nucléaire. Il ne faut pas détourner le discours justement, pragmatique, qui ne vante pas une solution miracle mais bien une solution d’amortissement de la décroissance et de la transition. Je remarque qu’on risque vite de tomber dans un débat sans nuance ou il y a d’un côté les amish écolos et de l’autre les pro-techno, alors que la réalité est tout autre (n’en déplaise à M. Macron et M. Mélenchon).
Certes, il faut saluer le génie français planificateur responsable du déploiement du nucléaire civil. Mais nous n’avons pas « besoin du nucléaire » comme le prétend Macron. Les énergies renouvelables sont faiblement émettrices de C02. Surtout, elles ne posent pas les problèmes liés au nucléaire. Et elles ne produisent ni déchets multi-millénaires ni risque d’anéantissement en cas d’accident.
Merci de le dire, c’est une fierté nationale tout de même le nucléaire, une réussite même. Nous n’avons pas besoin du nucléaire, certes, on peut faire sans, allons plus loin dans le texte pour discuter des modalités. Les EnR sont faibles émettrices, ok, elles ne produisent pas déchets millénaires, certes, mais elles artificialisent les sols bien plus vite et fortement que le nucléaire (hectares/MW de capacité) et produisent aussi des déchets (recyclables en grande partie).
EN 2019, Mathilde Panot, député du Val-de-Marne, avait organisé avec l’appui de tous les réseaux de la France insoumise une votation citoyenne pour ou contre le nucléaire. Ce fut à ce jour la plus importante mobilisation jamais réussie sur ce thème en France. 300 000 personnes y avaient participé. Il est temps de récapituler nos arguments contre la prolongation de ce moyen de production d’énergie
Cette votation a donné un résultat sans équivoque, 93% pour la sortie du nucléaire. On peut se poser légitimement la question, face à un résultat aussi unilatéral, quelle est la légitimité de l’échantillon de population sondé ? D’autres sondages réalisés dans les règles de l’art sont plus mitigés à ce sujet. De plus, quand on lit les sondages commandés par Orano sur le nucléaire dans lesquels les français déclarent que le nucléaire a un impact négatif pour le climat, on se rend compte du faible niveau de connaissance du public sur ces problématiques. Donc, deux choses, on fait dire ce qu’on veut à des statistiques et je ne crois pas qu’on devrait utiliser des chiffres qui sont finalement un « sentiment » plus qu’une réelle opinion basée sur des faits comme argument.
D’abord, le nucléaire ne nous garantit aucune indépendance. En effet, l’uranium est importé. Le nucléaire était censé fournir une énergie à bas coût. Or, le prix de l’électricité en France a depuis augmenté de 50%. C’est aussi un gouffre financier. La dette d’EDF a triplé en 10 ans. Elle s’élève à plusieurs dizaines de milliards d’euros. Il faudrait par ailleurs investir près de 100 milliards d’euros pour prolonger la durée de vie des centrales. Chacun des 6 nouveaux EPR en projet coûterait 7 milliards supplémentaires. Le coût du projet de stockage des déchets nucléaires CIGEO est chiffré à 35 milliards. Du fait de cette addition salée, les énergies renouvelables coûtent aujourd’hui le même prix sinon moins cher. En effet, les coûts moyens du solaire photovoltaïque ont été divisés par 10 depuis 2009, ceux de l’éolien par 3,5.
Concernant l’autonomie énergétique, je préfère dépendre d’uranium vendu par les canadiens, les australiens ou même les Kazakhs que de l’acier chinois, du pétrole américain et arabe ou du gaz Russe. De plus en utilisant des RNR nous avons une réserve importante !
Le coût, encore le coût
, décortiquons un peu. L’augmentation tarifaire est imputable en partie aux investissements d’EDF sur son parc, nucléaire et renouvelable, mais aussi en grande partie à l’augmentation continue des taxes de transport, de consommation… Le soucis du tarif de l’électricité est que c’est un mille feuille imbittable, j’aimerais parler de l’ARENH (2010) et de l’obligation d’achat d’électricité (2011) qui pour moi ont contribué à l’augmentation du tarif. L’ARENH est la vente à un prix contrôlé (55€ MWh) de 25% de la production nucléaire d’EDF à ses concurrents (Total, Engie et concert) qui sont incapables de fournir l’électricité promise dans leurs contrats. Ce mécanisme favorise la concurrence, mais il est fondamentalement injuste pour EDF. L’obligation d’achat de l’électricité par EDF est du même acabit. Cela revient à des subventions dont l’état s’est bien volontairement dédouané, par contre les taxes, les impôts, les dividendes, ça il les prend et depuis longtemps.
Concernant l’endettement, je trouve ça fort qu’on le reproche à EDF vue tous les éléments précédents. Une entreprise va nécessairement s’endetter pour financer ses actifs (futur nucléaire, CIGEO prolongement du parc et renouvelables), donc ce n’est pas étonnant que l’entreprise s’endettent en fin de cycle de son parc et en pleine transition. Le montant est impressionnant (66 milliards) mais reste normal pour une entreprise de cette taille qui réalise un chiffre d’affaire de 71 milliards par an. Le groupe PSA réalise 15-18 milliards de chiffre d’affaire et a une dette de 24 milliards, Airbus a une dette considérable, personne n’en fait une Une de journal…
Le nucléaire nécessite du capital, il pourrait se réformer, faire plus petit, plus modulaire, je pense que ça lui réussirait. Cependant mettre la dette d’EDF sur son dos, aussi inquiétante soit-elle, c’est aller un peu vite en besogne. Il y a là dessous des affaires d’état et de concurrence qui ne sont pas très nettes, comme avec la SNCF d’ailleurs. Mauvaise gestion de l’État ou de l’entreprise ?
Loin d’être une énergie sûre, l’industrie nucléaire française est aujourd’hui un naufrage. La France est loin d’être un leader mondial. Sur 393 réacteurs étrangers, 14 sont d’origine française. L’EPR de Flamanville illustre à lui seul le fiasco industriel de la filière. Il a 10 ans de retard. Si jamais il voit le jour, il coûterait au moins 6 fois plus cher que prévu. De manière générale, l’essentiel des activités de maintenance sont effectuées par des sous-traitants. Cela entraîne notamment des failles de sécurité. Récemment, Greenpeace a révélé que des documents ultra-sensibles détaillant le système de sécurité du site de Flamanville circulaient librement entre les différentes prestataires et sous-traitants.
Sur le risque, je ne peux pas nier, il existe, il est palpable. La radioactivité est dangereuse, mais très mal comprise et elle fait peur, très peur. Quand à la réussite à l’étranger, il ne faut pas grossir le trait mais ce n’est pas un fiasco, EDF, Framatome, Areva, Technicatome, le CEA sont partout dans le monde, de la construction à la recherche en passant par l’entretien et l’exploitation. L’expertise et le savoir-faire français sont reconnus, point. Flamanville est une tête de série, presque un prototype, comme les premières voitures à sortir de l’usine, elle a quelques des défauts à corriger, des retards et elle coûte cher. Les erreurs commises sont lourdes et auraient pu être évitées. Nous avons de bons exemples à l’étranger de projets d’EPR qui ont bien fonctionné et qui ont bénéficié de l’expertise et du retour d’expérience des ingénieurs … français. Quant à la fuite de documents, bonne chance pour les analyser et y trouver des failles, il y a des milliers de pages, dixit JMJ https://www.linkedin.com/posts/jean-marc-jancovici_nucléaire-la-sécurité-percée-dedf-activity-6741413589174771712-dQly
Enfin, des problèmes totalement ignorés au départ nous mettent aujourd’hui au pied du mur. Premièrement, le nucléaire produit quantité de déchets. Ce sujet ne doit pas être traité à part du choix du modèle énergétique national. Car tant que nous persistons ainsi, nous continuons de produire en masse des déchets dont nous ne savons quoi faire. Or, les capacités d’entreposage françaises devraient arriver à saturation à l’horizon 2030. Aucune solution de stockage sécurisée n’existe. Les enterrer, comme le prévoit le projet CIGEO, ne fera jamais illusion. En effet, leur « durée de vie » radioactive dépasse de très loin les horizons d’une vie humaine.
Sur ce point, je fatigue et j’ai du mal à voir le problème de CIGEO. Il y a plusieurs points.
Déjà, on connaît des moyens de mieux recycler les combustibles, que ce soit à travers le MOx ou les lasers. Il y a des solutions, outre la vitrification et l’enterrement. De plus quand on considère l’ampleur des pollutions générées par le reste des moyens de production d’électricité que ce soit émissions, mines, artificialisation des sols, je trouve que le nucléaire s’en sort bien. La filière est exemplaire sur la traçabilité et le retraitement, elle prend sa responsabilité, qu’en est-il des autres ?
Là c’est purement de l’opinion un peu coup de gueule, cela ne dérange personne d’enterrer des millions de tonnes de déchets ou de les envoyer à l’étranger. Soudainement quand c’est des déchets radioactifs déjà vitrifiés en colis et ultra contrôlés (à 500m sous terre quand même), tout le monde perd la tête alors que personne ne sait ce qu’est un sievert…
Deuxièmement, les installations nucléaires s’avèrent inadaptées aux conséquences du changement climatique. Les arrêts de réacteurs se multiplient à cause des températures élevées ou du débit insuffisant des fleuves. Le nucléaire devient de fait intermittent ! D’autant que les pertes de production des centrales nucléaires sont considérables. Leur rendement est seulement de 35% environ. Autrement dit, deux tiers de l’énergie produite réchauffent les fleuves, les mers et l’atmosphère. Efficace, le nucléaire ?
Souvent on diminue la production d’une centrale car la température de l’eau devient trop proche des seuils dangereux pour la reproduction des poissons et pas à cause du débit. Les risques concernant le débit sont identifiés et à l’avenir on favorisera au bord de la mer.
Ensuite concernant le rendement à 35% d’une centrale thermique, M. Mélenchon, vous venez de découvrir la thermodynamique. Pardon mais là ça frôle le ridicule, c’est vrai, il y a des pertes, mais c’est le cas de n’importe quelle machine thermique et le « rejet » dans l’environnement est une pine de mouche comparé à celui des voitures (un bon diesel c’est 30% de rendement) ou bien simplement du rayonnement solaire.
Fondamentalement il s’agit d’un choix intellectuellement fainéant. Le nucléaire est une technologie rustique. Il s’agit de provoquer entre des barres radioactive une réaction automatique qui provoque de la chaleur pour chauffer de l’eau avec une double circulation de liquide l’une passant sa chaleur à l’autre. De tels système existent aussi dans la nature. C’est le degré proche de zéro en matière de trouvaille technique et d’ingéniosité.
Sadi Carnot se retourne dans sa tombe quand je lis ce paragraphe. Je ne commenterais pas plus car ça me rend fou de lire ça, pourtant j’essaye de rester un peu soft…
En bref, il ne s’agit pas de savoir s’il faut sortir ou non du nucléaire. Mais plutôt comment s’y prendre pour le faire. Et surtout de se donner les moyens d’y parvenir. La question n’est pas énergétique, elle est politique. Le démantèlement du nucléaire et le déploiement des énergies renouvelables vont de concert. Nous sommes loin de prétendre le faire en un claquement de doigts. Il faut le planifier. La méthode implique donc de poser les bonnes questions : quels délais ? quels savoir-faire ? quels investissements ? quelles implantations sur le territoire national ? Il faudra des milliers de fois plus d’invention et d’ingéniosité pour démonter qu’il n’en a fallu pour monter tout cela.
À l’image du live annonçant sa candidature l’élection présidentielle, il invoque l’inventivité et l’ingéniosité, après avoir sous entendu que les physiciens et ingénieurs n’en n’ont aucune.
« C’est la seule énergie décarbonée, on va en inventer d’autres » (je cite hein) https://youtu.be/GJ3y-Z3HiyI?t=2780
En tout cas, il pose des questions qui sont légitimes. Comment on fait ? Combien ça coûte ? On ne sait pas trop comment s’y prendre mais on est sûr que ça coûte très cher, nous avons un exemple outre-Rhin.
Nos interrogations sont autrement plus sérieuses que les incantations de Macron et des nucléorolâtres . Depuis le début de son mandat, il fait tout pour sauver « quoi qu’il en coûte » le soldat nucléaire. Il a tout d’abord repoussé de 10 ans l’objectif de diminution de la part du nucléaire dans le mix électrique. Sa propre promesse de campagne a été rompue d’entrée de jeu. Puis les préconisations de l’enquête parlementaire sur la sûreté des installations nucléaires ont été enterrées. Le gouvernement étudie désormais un projet de 6 nouveaux EPR. Cela réjoui surtout « l’industrie de la finance » qui sait qu’elle est appelée à la rescousse pour financer les projets sans fond des nucléocrates.
Sans commentaire. C’est la de la politique.
Plus récemment, Macron a multiplié les discours et les déplacements pour louer les mérites de la filière, flatter les adeptes et convertir les récalcitrants. En décembre dernier, il s’est rendu dans l’usine de Framatome au Creusot pour réaffirmer la place centrale du nucléaire. Tout un symbole. En effet, cette usine est celle qui a forgé la cuve défaillante de l’EPR de Flamanville et qui est accusée d’avoir falsifié des résultats. Une manière de conjurer le mauvais sort ?
Sans commentaire. C’est la de la politique.
Cerise sur le gâteau, le projet HERCULE négocié avec la Commission européenne vise à démanteler EDF. Dans une logique de « socialisation des coûts, privatisation des profits » il a pour but de transformer notre géant public en vache à lait. L’État (c’est-à-dire chacun d’entre nous) payerait les frais de tous les problèmes liés au nucléaire. EDF serait abaissé au rang de simple producteur d’électricité. Tandis que le secteur privé aurait accès à la privatisation du secteur des énergies renouvelables et des barrages. Et à leurs profits. Ce seul partage montre ou est le futur : là où va l’argent frais.
Je suis fondamentalement contre le projet Hercule également. Cela n’a rien à voir avec le nucléaire en revanche.
Ainsi, le camp des écologistes pragmatiques et conséquents se trouve du côté de ceux qui démystifient le nucléaire. Casser le dogme ne se résout ni par la technique ni par le débat d’experts. C’est un sujet éminemment politique. Le nucléaire appartient à une époque qui ne connaissait pas les limites planétaires et les bouleversements climatiques. Cette énergie appartient désormais au passé.
Hmm… 
Encore une fois, mettre en opposition les écologistes entre eux ne sert pas à grand chose, on a un ennemi, c’est le CO2 !
« Casser le dogme ne se résout ni par la technique ni par le débat d’experts. C’est un sujet éminemment politique », laissons les gens qui ne savent pas décider, ce sera quand même mieux. Et le nucléaire a toujours été un domaine d’innovation et de coopération internationale, il a sa place dans l’avenir simplement sous un modèle différent comme je l’ai évoqué plus haut.